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« La Règle du crime », de Colson Whitehead : une quête de rédemption à Harlem

« La Règle du crime » (Crook Manifesto), de Colson Whitehead, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Recoursé, Albin Michel, « Terres d’Amérique », 464 p., 22,90 €, numérique 16 € (en librairie le 1er octobre).
Commencée avec Harlem Shuffle (Albin Michel, 2021) dans les années 1960, en pleine ségrégation, la trilogie de Harlem de Colson Whitehead se poursuit ici dans la décennie suivante. New York rime alors avec révolution et destruction : d’un côté, les films de la blaxploitation, les manifestations des Black Panthers, l’explosion de la culture graffiti ; de l’autre, l’héroïne, les immeubles en ruine, les tueries entre gangsters et les rats qui « bondissaient entre les rails et se battaient pour des croûtes de pizza ou des restes de knish ».
Comme le précédent volet, La Règle du crime est découpé en trois parties. Chacune possède son intrigue – un braquage ; la disparition de l’actrice célèbre d’un film tourné à Harlem ; les incendies criminels déclenchés pour rénover le quartier à marche forcée. Si le récit gravite autour d’une foule de seconds rôles pittoresques, croqués avec l’œil du sociologue et une prose hard-boiled inspirée de Donald Westlake (1933-2008), le point de départ est le magasin de meubles du héros, Ray Carney. Ce fils de voyou et bon père de famille s’est juré d’en finir avec le recel. Mais il ne peut s’empêcher de replonger – pour offrir à ses enfants des places au concert des Jackson Five ou réparer les crimes de son paternel. Sa quête de rédemption est-elle réellement possible ?
Né en 1969 à New York, Colson Whitehead prend un réel plaisir à décrire par le menu, avec un humour et une énergie rares, tout ce qui agite Manhattan autour de la 125e rue. D’où son envie d’étirer son récit sur les trois tomes d’une trilogie. Ce faisant, le temps qu’il prend nourrit aussi la réflexion posée en creux par cette fresque : la ville avance-t-elle ou sombre-t-elle un peu plus chaque année ? « Autrefois, le ghetto se limitait au ghetto. Maintenant, c’est toute la ville. Des sacs à merde qui balancent des nouveau-nés dans des vide-ordures. Des gamines de 13 ans enceintes de leur père », déclare Munson.
Ce flic pourri ne songe qu’à fuir la déliquescence. Or, « dans une ville comme New York, mieux vaut ne pas avoir de problèmes avec les contradictions », lit-on en exergue. Pepper en incarne certaines. Homme de main, il peut faire la peau à un voyou avant d’aller dérober une recette de poulet frit dans le coffre d’un restaurant pour les beaux yeux d’un établissement concurrent.
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